Mon mur / HUMOUR

MOI : Aujourd’hui, j’ai rencontré un mur.

LUI : Pas de blessures ?

M : Non, j'étais à pied. Je I'ai vu arriver.

L : Vous I'avez emplafonné ?

M : Non. D'ailleurs il n'avait pas de plafond.

L : Quelle tuile quand même. Vous avez pu le contourner, c'est le principal.

M : Pas besoin. Il était tantôt à ma droite, tantôt à ma gauche. Mais poli, jamais il ne m'a coupé ma route.

L : Un mur droit. Il en reste, c'est rassurant.

M : J'avançais, il avançait aussi. Je m'arrêtais, il marquait une pause. A mon pas à pas, il répliquait  par un pierre à pierre. Dès que je partais à grandes enjambées, il me rattrapait par pans entiers.

L : Et alors ?

M : Il faisait chaud. Je suais et m'arrêtais pour reprendre mon souffle. Il suintait, s'arrêtait à son tour et ouvrait une fenêtre pour s'aérer.

L : Le mur de pierre peut emmagasiner la chaleur. Il n'a pas besoin d'eau. Un chameau en plus dur quoi !

M : Moi non, et même quand je bosse, j'ai soif.

L : Il ne craint rien le mur alors ?

M : Si. Le froid. Quand il gèle à pierre fendre. Il semble alors sourire de toutes parts. Mais c'était une chaude journée d'été, il n'a pas bronché.

L : Et vous ?

M : Je me desséchais au fil des  heures, mais ne voulais pas me lamenter contre lui. Au soleil couchant je m'en suis retourné chez moi, accompagné du mur qui me suivait comme mon ombre.

L : ? ? ?

M : Il a repris sa place parmi les autres pans.

L : Et alors ?

M : En retrouvant ses frères pans, je savais que la roue de mon mur allait tourner. Et avec la nuit, sa chute serait inévitable.

L : Inévitable ? En quoi ?

M : Le point faible de mon mur : quand il tombe de sommeil.

(silence) Soudain, dans I'obscurité de ma chambre, je finis par percevoir, tout léger d'abord, puis de plus en plus clairement, le doux murmure de mon mur. La nuit, mon mur parle. Et c'est moi qui tends l'oreille.