Lettre à un fauve / DIVERS

Dessin: EL ©

Prisonnier de ton regard, je n'ai pas la force, sans doute ni même le courage, de m'en libérer.

Absent du monde qui m'entoure, je vis profondément dans cet instant notre dialogue silencieux. Intensité de la parole des yeux... Tout semble nous séparer et pourtant...

Peu à peu, une angoisse m'envahit. Je comprends alors que ta détresse se fait mienne. Ta souffrance est immense et me culpabilise. Pourquoi suis-je au dehors alors que tu es condamné à finir ta vie derrière les barreaux ?

Je suis bouleversé de réaliser que je ressemble à ceux qui t'ont enfermé, Toi le Grand Fauve, le Majestueux Prince des Immensités.

Je voudrai pouvoir te rendre Ta Liberté, te rendre simplement à la Vie, mais je n'en ai pas les moyens.

Les larmes me montent aux yeux. Mon regard se brouille.

Je te sens me fixer comme une proie, mais en réalité tu espères de moi une aide impossible. Pardonne ma coupable impuissance à te sortir de là. Elle est une douloureuse déchirure intérieure, mais sans doute par trop dérisoire comparée à ton Enfer. Et puis, y a t'il seulement un pardon possible à l'idiotie ?

Si j'ai toujours rêvé de vivre auprès de tes frères et soeurs, ces animaux que l'on dit sauvages, je suis sûr que ta place n'est pas au milieu des hommes. Ils ne savent pas t'aimer, quand bien même ils oseraient avoir I'infamie de le prétendre. Sinon cette cage, abject mouroir, n'existerait pas.